Paris, Mar. 11. (Cinktank.com) –
Le gouvernement mexicain a appelé vendredi le Parlement européen à mettre fin à la « corruption, aux mensonges et à l’hypocrisie » après avoir demandé aux autorités du pays nord-américain de garantir la protection et la création d’un environnement sûr pour les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme.
Dans un communiqué, l’administration du président, Andrés Manuel Lopez Obrador, a jugé « regrettable » que le Parlement européen « se joigne comme des moutons » à « la stratégie réactionnaire et putschiste du groupe corrompu qui s’oppose à la Quatrième Transformation », tout en leur demandant de « s’informer et de bien lire les résolutions qui leur sont présentées avant de voter ».
« Sachez, Mesdames et Messieurs les députés européens, que le Mexique n’est plus une terre de conquête et que, comme en de très rares occasions dans son histoire, les principes libertaires d’égalité et de démocratie s’affirment », a-t-il poursuivi, avant d’insister sur le fait que dans le pays « personne n’est réprimé » et que « la liberté d’expression et le travail des journalistes sont respectés ».
« L’État ne viole pas les droits de l’homme, comme il l’a fait sous les gouvernements précédents, où vous étiez d’ailleurs complices en silence », a-t-il poursuivi, avant de reprocher à l’Europe d’avoir envoyé des armes à l’Ukraine dans le cadre de l’invasion russe. À cet égard, il a fait allusion à un sondage publié jeudi par Morning Consult, qui place M. Lopez Obrador au deuxième rang des présidents les plus appréciés parmi les principaux dirigeants du monde, avec 66 %. « Incidemment, avec plus d’approbation que les dirigeants européens », a-t-il ajouté.
Le gouvernement mexicain a souligné que le pays « n’est plus la colonie de personne » et qu’il est, au contraire, « libre, indépendant et souverain ». « Evoluez, laissez derrière vous votre manie de l’ingérence déguisée en bonnes intentions. Vous n’êtes pas le gouvernement mondial », a-t-il répété.
Le Parlement européen a adopté jeudi une résolution demandant aux autorités mexicaines de garantir la protection et la création d’un environnement sûr pour les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme.
Dans la résolution, adoptée par 607 voix pour, deux contre et 73 abstentions, la Chambre souligne que « le Mexique est depuis longtemps l’endroit le plus dangereux et le plus meurtrier pour les journalistes en dehors d’une zone de guerre officielle », selon un communiqué, dans lequel l’institution rappelle que, depuis le début de l’année 2022 seulement, sept journalistes ont été tués.
Les députés soulignent que la situation s’est détériorée depuis les dernières élections présidentielles de juillet 2018. Selon des sources officielles, au moins 47 journalistes ont été tués depuis lors. En outre, le texte prévient qu’il existe un problème endémique d’impunité, environ 95 % des meurtres de journalistes restant impunis.
Le Parlement européen « prend note avec inquiétude des critiques sévères et systématiques formulées par les plus hautes autorités du gouvernement mexicain à l’encontre des journalistes et de leur travail ». Elle fait notamment référence à la « rhétorique populiste » de Lopez Obrador dans ses conférences de presse quotidiennes pour « dénigrer et intimider » les journalistes indépendants, les propriétaires de médias et les militants.
Les députés ont averti que « la rhétorique de l’abus et de la stigmatisation génère une atmosphère d’agitation incessante contre les journalistes indépendants » et ont appelé les autorités à s’abstenir de toute communication susceptible de stigmatiser les journalistes et les travailleurs des médias, mais aussi les défenseurs des droits de l’homme. À cet égard, ils rappellent que depuis décembre 2018, au moins 68 militants des droits de l’Homme ont été tués dans le pays.
La Chambre a également souligné l’existence d' »indications claires » selon lesquelles l’État mexicain a utilisé « des outils de piratage téléphonique destinés à lutter contre le terrorisme et les cartels, notamment le programme d’espionnage Pegasus, contre des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme ».
Elle a également prévenu que les réformes constitutionnelles des systèmes électoral et judiciaire, initiées par l’administration López Obrador, soulèvent des doutes quant à la stabilité de l’État de droit et à la sécurité juridique, et s’est dite préoccupée par une proposition législative visant à limiter la participation civique des ONG financées par l’étranger.
« CAMPAGNE » CONTRE LUI
M. López Obrador a indiqué à plusieurs reprises qu’il existait une « campagne » contre lui visant à utiliser les meurtres de journalistes pour attaquer son gouvernement. La dernière en date remonte à jeudi, lorsqu’il a déclaré qu' »il y a une campagne qui profite de cette situation malheureuse contre le gouvernement que je représente et qui cherche un moyen de nous affaiblir ».
Au total, 134 journalistes ont été tués au Mexique entre 1992 et 2021, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), ce qui en fait l’un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes.
A ce jour, sept journalistes ont été tués et, bien que le CPJ ne reconnaisse que quatre d’entre eux à ce jour, en seulement un mois et demi, cette année 2022 est déjà l’une des plus meurtrières, même si elle est encore loin des chiffres d’années comme 2019 ou 2010, où onze et dix décès ont été signalés, respectivement.